L’habitat intergénérationnel dans les territoires à caractère rural : un dynamisme dans l’angle mort du débat public ?
15.06.2020
territoire rural - habitat intergénérationnel - seniors
L'article
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Article rédigé par Nathaël.
Dans le cadre d’un travail de recherche en partenariat avec l’Université Lyon 3, Récipro-Cité a réalisé entre 2014 et 2017 un recensement et une analyse de 196 réalisations d’habitat intergénérationnel en activité à fin 2016 en France métropolitaine. Les données présentées dans cet article sont issues de ce travail.
Paradoxalement dans l’angle mort des processus de normalisation de l’habitat intergénérationnel (Loi ASV et Loi ELAN), la formule s’épanouit particulièrement sur les territoires à caractère rural ou péri-urbain. Sur ces territoires, l’habitat intergénérationnel est perçu comme une solution innovante et flexible pour répondre aux enjeux de la gestion du vieillissement de la population (lien social, maintien à domicile, accessibilité des services) et du développement local (animation locale, attractivité résidentielle). Au-delà des contraintes inhérentes au développement d’opérations intergénérationnelles en secteurs détendus, l’inventivité et l’implication des porteurs de projets est à l’origine de réalisations taillées sur mesure pour répondre de façon très concrète (et cohérente) aux enjeux socio-démographiques de leurs territoires.
(Re)connu à travers une poignée de grandes réalisations emblématiques (mises en valeur par les réseaux du logement social ou des prix de distinction de l’immobilier ou de la silver économie), tout un pan de la diversité de la formule de l’habitat intergénérationnel est toutefois jusqu’à présent resté dans un angle mort médiatique et phénoménologique (= pas pensé parce que pas perçu). C’est particulièrement le cas en ce qui concerne l’habitat intergénérationnel en milieux ruraux et péri-urbains, dont à la fois le dynamisme et les particularités sont largement ignorés.
À titre d’exemple, six résidences intergénérationnelles ont été construites dans des communes où, entre 2010 et 2014, la base de données Sit@del n’enregistre aucune autre construction de logements (logements commencés dans le cadre d’une opération collective). La moitié des résidences que nous avons recensées comptent moins de 28 logements ! Il s’agit donc de petites, parfois très petites, opérations. 34 d’entre elles ont été construites sur des communes où, justement, moins de 28 logements ont été construits au cours de ces cinq années.
Dans le cadre d’un travail de recherche en partenariat avec l’Université Lyon 3, Récipro-Cité a réalisé entre 2014 et 2017 un recensement et une analyse de 196 réalisations d’habitat intergénérationnel en activité à fin 2016 en France métropolitaine. Les données présentées dans cet article sont issues de ce travail.
Paradoxalement dans l’angle mort des processus de normalisation de l’habitat intergénérationnel (Loi ASV et Loi ELAN), la formule s’épanouit particulièrement sur les territoires à caractère rural ou péri-urbain. Sur ces territoires, l’habitat intergénérationnel est perçu comme une solution innovante et flexible pour répondre aux enjeux de la gestion du vieillissement de la population (lien social, maintien à domicile, accessibilité des services) et du développement local (animation locale, attractivité résidentielle). Au-delà des contraintes inhérentes au développement d’opérations intergénérationnelles en secteurs détendus, l’inventivité et l’implication des porteurs de projets est à l’origine de réalisations taillées sur mesure pour répondre de façon très concrète (et cohérente) aux enjeux socio-démographiques de leurs territoires.
Qu’est-ce que l’habitat intergénérationnel ?
Depuis le tournant de la décennie 2010, la formule de l’habitat intergénérationnel a connu un fort développement. Fin 2016, près de 200 résidences intergénérationnelles, pour un total d’environ 8 000 logements, étaient en service dans toutes les grandes aires urbaines de France, et sur une grande variété de territoires. Les résidences intergénérationnelles sont des ensembles résidentiels collectifs au sein desquels est délibérément organisée une cohabitation entre différentes générations (personnes âgées, familles, étudiants, jeunes actifs…) dont il est espéré qu’elle alimentera une solidarité de voisinage, synonyme d’entraide et de convivialité. L’essor de la formule, porté en très grande majorité par le secteur du logement social, est soutenu localement par une forte demande des collectivités, et encouragé à l’échelle nationale par les pouvoirs publics.(Re)connu à travers une poignée de grandes réalisations emblématiques (mises en valeur par les réseaux du logement social ou des prix de distinction de l’immobilier ou de la silver économie), tout un pan de la diversité de la formule de l’habitat intergénérationnel est toutefois jusqu’à présent resté dans un angle mort médiatique et phénoménologique (= pas pensé parce que pas perçu). C’est particulièrement le cas en ce qui concerne l’habitat intergénérationnel en milieux ruraux et péri-urbains, dont à la fois le dynamisme et les particularités sont largement ignorés.
Le dynamisme de l’habitat intergénérationnel sur les territoires ruraux et péri-urbains.
Dans sa globalité, la localisation des résidences intergénérationnelles est liée au dynamisme démographique et immobilier des territoires. On construit là où on peut vendre et/ou louer. Mais cette évidence libérale n’est pas signifiante et exclusive au point de suffire à expliquer la localisation de chaque projet individuellement. Le rôle des municipalités en particulier ne doit pas être sous-estimé. Les collectivités locales sont largement motrices de la demande pour l’habitat intergénérationnel. Selon notre propre découpage typologique, environ 20 % des projets ont été réalisés sur des territoires à caractères ruraux et un quart (25 %) des projets sont situés sur des territoires à caractère péri-urbain. Soit environ 90 résidences.À titre d’exemple, six résidences intergénérationnelles ont été construites dans des communes où, entre 2010 et 2014, la base de données Sit@del n’enregistre aucune autre construction de logements (logements commencés dans le cadre d’une opération collective). La moitié des résidences que nous avons recensées comptent moins de 28 logements ! Il s’agit donc de petites, parfois très petites, opérations. 34 d’entre elles ont été construites sur des communes où, justement, moins de 28 logements ont été construits au cours de ces cinq années.
Les particularités de l’habitat intergénérationnel en milieu ruraux et péri-urbains : de profils territoriaux de l’habitat intergénérationnel.
Sous l’intitulé « habitat intergénérationnel » se cache une grande variété de réalisations répondant à des enjeux opérationnels plus proprement liés aux territoires d’implantation des résidences. Un des visages les plus frappants de la territorialité de l’habitat intergénérationnel est une profonde dichotomie entre les projets réalisés sur les territoires aux caractères les plus métropolitains et ceux au contraire réalisés sur les territoires les plus ruraux :- Dans un environnement compétitif, les projets urbains sont les plus démonstratifs, particulièrement par la multiplicité des publics accueillis (personnes âgées, mais aussi personnes en situation de handicaps moteur ou mental, jeunes actifs, étudiants, familles monoparentales, etc.), ou par l’abondance de services proposés aux habitants.
- Présidés par une forme de pragmatisme contraint – sans que cela n’en diminue l’intérêt opérationnel –, les projets ruraux tendent au contraire vers le plus de simplicité (petites résidences, peu ou pas de services additionnels) et une focalisation de l’attention sur les publics séniors. L’implication des municipalités dans l’initiative des projets, leur montage, et leur fonctionnement y est nettement plus marquée qu’ailleurs et se traduit par une propension à la mutualisation (services, locaux, associations…).
- Entre les deux, souvent articulé autour du binôme bailleur-commune, ce qui peut être décrit comme le « noyau-moyen » de l’habitat intergénérationnel est majoritaire enfin en banlieue des grandes agglomérations et dans les territoires péri-urbains. L’offre de service y est plus constante que sur les projets ruraux (services d’animation, services à domicile et services de gardiennage), mais aussi plus pragmatique qu’au sein des expérimentations métropolitaines à la reproductibilité incertaine.
Les enjeux propres aux territoires ruraux et péri-urbains
Qu’il s’agisse d’un vieillissement lié à une déprise démographique ou au vieillissement naturel des premières grandes vagues de populations s’installant dans le pavillonnaire péri-urbain dans les années 70, les territoires ruraux et péri-urbains sont particulièrement confrontés à la problématique du vieillissement de la population. Cette problématique se combine avec des enjeux de mobilité et d’accessibilité à une offre commerciale et servicielle de proximité, le cas échéant souvent centralisée en centre-bourg. Au carrefour d’enjeux relatifs au vieillissement de la population et du développement local, l’engouement des territoires à caractère rural ou péri-urbain pour l’habitat intergénérationnel tient en grande partie aux ambivalences et à la flexibilité de cette formule résidentielle.- Les résidences intergénérationnelles sont donc sur ces territoires de véritables instruments d’une politique locale à destination des personnes âgées. Rappelons que « le domaine d’action sociale le plus répandu dans les communes concerne les personnes âgées » (DREES, 2017). L’habitat intergénérationnel peut représenter une solution souple, se substituant, par défaut ou à dessein, à une offre d’hébergement médico-social/plus « classique ». 63 des 196 projets intergénérationnels du recensement ont été construits dans des communes dépourvues de toute offre institutionnelle d’hébergement à destination des personnes âgées (en 2013).
- Selon une perspective plus aménagiste, certains projets de résidences intergénérationnelles s’inscrivent aussi dans une stratégie de développement local (revitalisation du centre-bourg, animation locale, requalification de l’habitat…) : faire d’une pierre deux coups en favorisant le maintien des aînés sur place en centre-bourg, tout en attirant des jeunes ou des familles.