Ré-habiter les centres ruraux, une alternative au “tout métropole” ?
15.06.2020
Territoire rural - Urbanisme - Aménagement
L'article
La galerie
L'article
Article rédigé par David, avec la participation de Laura.
Après avoir été une société essentiellement rurale pendant plusieurs siècles, la société française s’est urbanisée, en parallèle du phénomène d’industrialisation qui a entraîné ce que de nombreux géographes ont ensuite appelé la « désertification rurale ». Cette dernière, réelle mais relativisée depuis, a entraîné le départ de nombreux habitants des campagnes en direction des villes, alors pôles industriels, en particulier le bassin parisien.
Par la suite, le phénomène de métropolisation a renforcé la concentration des bassins d’emploi, en particulier qualifié et très qualifié, mais également celle des « externalités positives » bénéfiques aux entreprises, et celle de l’ensemble des services publics (facultés, offre culturelle, gares, aéroport…) ou marchands (offre récréative, commerces spécialisés…), déterminants pour attirer les représentants de la nouvelle classe de cadres supérieurs et professions intermédiaires. La notion mouvante « d’aménité urbaine » est même devenue de première importance, pour consacrer ces métropoles, devenues, pour beaucoup, désirables.
Depuis les années 80-90, la société post-moderne succède peu à peu à la société industrielle, pour devenir réalité au 21ème siècle, proposant de nouvelles transformations pour les territoires, avec en toile de fond, le développement massif des usages numériques, le vieillissement de la population et une crise environnementale devenue (quasi-)consensuelle.
Le rapport à l’urbain évolue dès lors, et les métropoles commencent à être désignées également pour leurs maux : étalement urbain, surdensité, explosions des valeurs foncières et immobilières notamment.
Ainsi, un renversement s’opère, au bénéfice cette fois, des « territoires ruraux ». Pierre Veltz écrit même dans l’un de ses derniers ouvrages « Tout se passe comme si, après plus d’un siècle d’exode rural, avait commencé le grand exode urbain¹ ». Certains se situent dans une relative proximité des métropoles, et voient s’installer à ce titre des citadins, en quête d’un meilleur « cadre de vie », qui souvent, continuent de travailler dans les grands centres urbains. D’autres, plus éloignés, sont concernés par un exode plus ponctuel encore : retraités, touristes, résidents secondaires… Malgré ce renversement, la crise des gilets jaunes a récemment jeté une lumière crue sur les problématiques non résolues rencontrées par les territoires ruraux, mais également par les centralités qui les polarisent : les plus petites des villes moyennes et les bourgs ruraux. Ni métropole, ni campagne, ce sont ces territoires, et avec eux l’ensemble du « monde rural », qui connaissent le déclin des services publics, la fuite de certains commerces, et une relative paupérisation de leurs habitants, dont le pouvoir d’achat dépend beaucoup de la fluctuation des cours et de la taxation des énergies fossiles.
Partant de ces constats, le rééquilibrage démographique déjà remarqué entre métropoles et territoires ruraux semble devoir être poursuivi, ce que supposent également les récents dispositifs d’action publique (Action cœur de ville, Réinventons nos cœurs de ville) en leur faveur, notamment au bénéfice de ce que nous appellerons ici, les centres ruraux. Ces espaces semi-urbains constituent donc un enjeu majeur pour l’habitat, car s’ils ne jouissent plus des « aménités urbaines » promises par les métropoles, ils sont pour autant dotés d’une « urbanité² », que le géographe Jacques Levy définissait comme le « couplage de la densité et de la diversité des objets de société dans l’espace », qu’il s’agit de renforcer. Ils ne souffrent pas non plus des maux des métropoles, épargnés, notamment, par la hausse des valeurs foncières, et sont également très proches des espaces naturels.
Mais si l’on souhaite que les centres ruraux soient de manière significative une alternative d’installation durable pour des métropolitains, il est nécessaire d’agir sur l’habiter, et de redensifier nos campagnes avec soin, pour ne pas reproduire à l’envi le modèle de l’habitat individuel – devenu – traditionnel, dont les conséquences environnementales mais également sociétales (isolement, délitement des liens sociaux…) sont globalement négatives.
Densifier les cœurs de villes, réhabiliter le patrimoine existant, réaliser des projets d’habitat collectif, des solutions existent pour intensifier les usages dans ces centres ruraux, y compris leur périphérie, par le biais de formes urbaines « innovantes » tels que l’habitat individuel groupé ou intermédiaire, pour limiter l’emprise au sol et respecter la continuité des terres agricoles.
Pour autant, si valoriser les atouts, réels, des centres ruraux, et envisager de nouvelles formes d’urbanisation, sont deux choses essentielles, il est également indispensable de travailler sur au moins trois leviers, qui constituent souvent leur point faible.
L’emploi était la raison essentielle expliquant l’exode rural, et il demeure aujourd’hui l’une des limites de l’attractivité des territoires ruraux, et de leurs centralités, en particulier pour les profils les plus qualifiés. Néanmoins, l’essor du numérique et l’avènement du télétravail offre des perspectives réelles de reconquête pour ces territoires, car le lien entre travail et lieu de travail n’a jamais été aussi distendu. La transformation progressive de l’organisation du travail permet d’imaginer aujourd’hui un salarié d’une grande entreprise dont le siège se situerait dans le cœur d’une métropole, faire le choix de s’installer à plusieurs heures de son lieu de travail principal. Si tant est qu’il est la possibilité de se mouvoir relativement aisément, depuis son lieu de travail jusqu’à son lieu de vie…
Ce qui constitue le deuxième levier : faciliter les mobilités pour tous et à toutes les échelles.
Pour les territoires concernés, deux axes essentiels :
Comment se rendre dans les centralités rurales, en d’autres termes, quelle mobilité interterritoriale ? En la matière, ces dernières dépendent souvent en premier lieu, de la bonne connexion de la métropole régionale au réseau national (TGV et Intercités) avec des vraies différences dans la qualité de desserte, en fonction des régions, qu’elles bénéficient ou non du TGV. Au second niveau de la hiérarchie, c’est la densité du réseau régional (quand il existe) et la fréquence des trains régionaux, qui est souvent faible au sein des régions rurales, qui permet (ou non) la desserte entre les métropoles et les centres ruraux. Dans les faits, ce sont souvent les cars départementaux qui assurent tant bien que mal cette desserte, dont la fréquence et l’image peu attractive, en font des modes déplacements souvent destinés aux publics les plus pauvres.
Et ensuite, comment se déplacer dans le reste du territoire, diffus, depuis ces centralités rurales ? A ce jour, les espaces ruraux demeurent les grands oubliés des politiques ambitieuses de mobilité, malgré les efforts déployés par certains acteurs associatifs tels que les associations UDAF dans le cadre de Mob’Actions, pour recenser l’offre existante et la rendre intelligible pour tous les utilisateurs (y compris les plus fragiles d’entre-eux par un accompagnement individualisé – seniors, personnes atteintes de handicap…). Il n’en demeure pas moins que le règne de l’automobile perdure, et constitue encore aujourd’hui un mode de vie affirmé par certains, voire revendiqué pour souligner la différence avec les citadins. En la matière, l’une des pistes exploitables est celle des mobilités douces, car le vélo, la marche à pied, sont souvent des loisirs très pratiqués par les habitants des campagnes, mais qui ne les conçoivent plus du tout comme un mode de déplacement. Une intervention sur le réseau routier (qui porte bien son nom) est en l’occurrence indispensable pour intégrer ces usages, car la route est à l’heure actuelle un véritable théâtre de conflits entre les automobilistes et les autres usagers, qui a régulièrement des conséquences tragiques, souvent acceptées par les habitants et les médias locaux comme une fatalité…³
Ce qui emmène naturellement au troisième levier, celui de l’offre de services aux publics.
Aucune politique ambitieuse visant à renforcer les mobilités alternatives ne sera efficace (ni même acceptée), si elle n’est pas combinée à une stratégie permettant de renforcer les polarités rurales, et leur offre de services. Certains centres ruraux sont toujours dotés en commerces de proximité mais ces derniers souffrent de la concurrence des zones commerciales locales, voire celles de la métropole régionale la plus proche.
Mais le véritable déclin concerne les services publics, révélé là encore, avec fracas, par la crise des gilets jaunes, ainsi que celui de l’offre culturelle et récréative, qui demeure nettement moins importante qu’en ville. Certains services publics (hospitaliers et para-hospitaliers notamment) nécessitent des infrastructures dédiées, et à ce titre des politiques publiques volontaristes pour engager des investissements. Mais, en ce qui concerne les services médico-sociaux et les services de proximité, le développement des tiers-lieux constitue d’ores et déjà une piste intéressante en intensifiant les usages de certains cœurs de villes et de villages. Ils permettent de continuer de faire vivre les services publics des centres ruraux, de renouveler l’offre de services et produits de proximité mais sont également un levier pour la création d’une offre culturelle (scène, arts créatifs, connaissance…).
Enfin, et ce n’est pas là le moindre des défis, proposé par le fait de « réhabiter les centres ruraux », les tiers-lieux et les indispensables moyens humains qualifiés, pour en assurer l’animation sont également un des maillons essentiels pour faciliter les liens sociaux et organiser ces nouvelles cohabitations, entre habitants ruraux et « nouveaux habitants », dont les prétendus conflits ne doivent pas pour autant être surinterprétés⁴. Lieux de rencontres, d’apprentissage et de services, ils doivent être un vecteur d’échanges entre des personnes, quelles que soient leurs différences (âge, origine, statut social…) pour faire perdurer les communs existants (fêtes, manifestations locales…), et en faire émerger de nouveaux (en phase avec les nécessités de la société contemporaine), fondement indispensable à une vie collective apaisée.
En conclusion, ce panorama rapide rappelle qu’une transformation profonde, déjà initiée, de l’organisation du travail, une volonté renouvelée des pouvoirs publics d’aménager le territoire et la conviction des acteurs locaux (publics ou privés) d’engager d’importants moyens humains destinés à l’organisation de la vie sociale, sont toutes trois indispensables, pour faire d’une hypothèse (et d’un objectif) réaliste le rééquilibrage entre métropoles et territoires ruraux.
¹ Pierre Veltz, Paris, France, Monde, Repenser l’économie par le territoire, L’Aube, 2012.
² Dictionnaire de géographie, Jacques Levy et Michel Lussault, 2003, BELIN.
³ L’auteur d’un article du Populaire du centre, daté du 31 janvier 2020, portant sur l’accident d’un cycliste local, écrit en ces termes « Il en est désormais ainsi : en jouant au foot, au basket ou au rugby, on risque une entorse, une luxation ou une commotion cérébrale. Quand on pratique le cyclisme, on met sa vie en danger. À chaque sortie. ».
⁴ Ruraux et urbains en campagne, pas en guerre, Valentine WATRIN, 28 août 2019, Libération
Après avoir été une société essentiellement rurale pendant plusieurs siècles, la société française s’est urbanisée, en parallèle du phénomène d’industrialisation qui a entraîné ce que de nombreux géographes ont ensuite appelé la « désertification rurale ». Cette dernière, réelle mais relativisée depuis, a entraîné le départ de nombreux habitants des campagnes en direction des villes, alors pôles industriels, en particulier le bassin parisien.
Par la suite, le phénomène de métropolisation a renforcé la concentration des bassins d’emploi, en particulier qualifié et très qualifié, mais également celle des « externalités positives » bénéfiques aux entreprises, et celle de l’ensemble des services publics (facultés, offre culturelle, gares, aéroport…) ou marchands (offre récréative, commerces spécialisés…), déterminants pour attirer les représentants de la nouvelle classe de cadres supérieurs et professions intermédiaires. La notion mouvante « d’aménité urbaine » est même devenue de première importance, pour consacrer ces métropoles, devenues, pour beaucoup, désirables.
Depuis les années 80-90, la société post-moderne succède peu à peu à la société industrielle, pour devenir réalité au 21ème siècle, proposant de nouvelles transformations pour les territoires, avec en toile de fond, le développement massif des usages numériques, le vieillissement de la population et une crise environnementale devenue (quasi-)consensuelle.
Le rapport à l’urbain évolue dès lors, et les métropoles commencent à être désignées également pour leurs maux : étalement urbain, surdensité, explosions des valeurs foncières et immobilières notamment.
Ainsi, un renversement s’opère, au bénéfice cette fois, des « territoires ruraux ». Pierre Veltz écrit même dans l’un de ses derniers ouvrages « Tout se passe comme si, après plus d’un siècle d’exode rural, avait commencé le grand exode urbain¹ ». Certains se situent dans une relative proximité des métropoles, et voient s’installer à ce titre des citadins, en quête d’un meilleur « cadre de vie », qui souvent, continuent de travailler dans les grands centres urbains. D’autres, plus éloignés, sont concernés par un exode plus ponctuel encore : retraités, touristes, résidents secondaires… Malgré ce renversement, la crise des gilets jaunes a récemment jeté une lumière crue sur les problématiques non résolues rencontrées par les territoires ruraux, mais également par les centralités qui les polarisent : les plus petites des villes moyennes et les bourgs ruraux. Ni métropole, ni campagne, ce sont ces territoires, et avec eux l’ensemble du « monde rural », qui connaissent le déclin des services publics, la fuite de certains commerces, et une relative paupérisation de leurs habitants, dont le pouvoir d’achat dépend beaucoup de la fluctuation des cours et de la taxation des énergies fossiles.
Partant de ces constats, le rééquilibrage démographique déjà remarqué entre métropoles et territoires ruraux semble devoir être poursuivi, ce que supposent également les récents dispositifs d’action publique (Action cœur de ville, Réinventons nos cœurs de ville) en leur faveur, notamment au bénéfice de ce que nous appellerons ici, les centres ruraux. Ces espaces semi-urbains constituent donc un enjeu majeur pour l’habitat, car s’ils ne jouissent plus des « aménités urbaines » promises par les métropoles, ils sont pour autant dotés d’une « urbanité² », que le géographe Jacques Levy définissait comme le « couplage de la densité et de la diversité des objets de société dans l’espace », qu’il s’agit de renforcer. Ils ne souffrent pas non plus des maux des métropoles, épargnés, notamment, par la hausse des valeurs foncières, et sont également très proches des espaces naturels.
Mais si l’on souhaite que les centres ruraux soient de manière significative une alternative d’installation durable pour des métropolitains, il est nécessaire d’agir sur l’habiter, et de redensifier nos campagnes avec soin, pour ne pas reproduire à l’envi le modèle de l’habitat individuel – devenu – traditionnel, dont les conséquences environnementales mais également sociétales (isolement, délitement des liens sociaux…) sont globalement négatives.
Densifier les cœurs de villes, réhabiliter le patrimoine existant, réaliser des projets d’habitat collectif, des solutions existent pour intensifier les usages dans ces centres ruraux, y compris leur périphérie, par le biais de formes urbaines « innovantes » tels que l’habitat individuel groupé ou intermédiaire, pour limiter l’emprise au sol et respecter la continuité des terres agricoles.
Pour autant, si valoriser les atouts, réels, des centres ruraux, et envisager de nouvelles formes d’urbanisation, sont deux choses essentielles, il est également indispensable de travailler sur au moins trois leviers, qui constituent souvent leur point faible.
L’emploi était la raison essentielle expliquant l’exode rural, et il demeure aujourd’hui l’une des limites de l’attractivité des territoires ruraux, et de leurs centralités, en particulier pour les profils les plus qualifiés. Néanmoins, l’essor du numérique et l’avènement du télétravail offre des perspectives réelles de reconquête pour ces territoires, car le lien entre travail et lieu de travail n’a jamais été aussi distendu. La transformation progressive de l’organisation du travail permet d’imaginer aujourd’hui un salarié d’une grande entreprise dont le siège se situerait dans le cœur d’une métropole, faire le choix de s’installer à plusieurs heures de son lieu de travail principal. Si tant est qu’il est la possibilité de se mouvoir relativement aisément, depuis son lieu de travail jusqu’à son lieu de vie…
Ce qui constitue le deuxième levier : faciliter les mobilités pour tous et à toutes les échelles.
Pour les territoires concernés, deux axes essentiels :
Comment se rendre dans les centralités rurales, en d’autres termes, quelle mobilité interterritoriale ? En la matière, ces dernières dépendent souvent en premier lieu, de la bonne connexion de la métropole régionale au réseau national (TGV et Intercités) avec des vraies différences dans la qualité de desserte, en fonction des régions, qu’elles bénéficient ou non du TGV. Au second niveau de la hiérarchie, c’est la densité du réseau régional (quand il existe) et la fréquence des trains régionaux, qui est souvent faible au sein des régions rurales, qui permet (ou non) la desserte entre les métropoles et les centres ruraux. Dans les faits, ce sont souvent les cars départementaux qui assurent tant bien que mal cette desserte, dont la fréquence et l’image peu attractive, en font des modes déplacements souvent destinés aux publics les plus pauvres.
Et ensuite, comment se déplacer dans le reste du territoire, diffus, depuis ces centralités rurales ? A ce jour, les espaces ruraux demeurent les grands oubliés des politiques ambitieuses de mobilité, malgré les efforts déployés par certains acteurs associatifs tels que les associations UDAF dans le cadre de Mob’Actions, pour recenser l’offre existante et la rendre intelligible pour tous les utilisateurs (y compris les plus fragiles d’entre-eux par un accompagnement individualisé – seniors, personnes atteintes de handicap…). Il n’en demeure pas moins que le règne de l’automobile perdure, et constitue encore aujourd’hui un mode de vie affirmé par certains, voire revendiqué pour souligner la différence avec les citadins. En la matière, l’une des pistes exploitables est celle des mobilités douces, car le vélo, la marche à pied, sont souvent des loisirs très pratiqués par les habitants des campagnes, mais qui ne les conçoivent plus du tout comme un mode de déplacement. Une intervention sur le réseau routier (qui porte bien son nom) est en l’occurrence indispensable pour intégrer ces usages, car la route est à l’heure actuelle un véritable théâtre de conflits entre les automobilistes et les autres usagers, qui a régulièrement des conséquences tragiques, souvent acceptées par les habitants et les médias locaux comme une fatalité…³
Ce qui emmène naturellement au troisième levier, celui de l’offre de services aux publics.
Aucune politique ambitieuse visant à renforcer les mobilités alternatives ne sera efficace (ni même acceptée), si elle n’est pas combinée à une stratégie permettant de renforcer les polarités rurales, et leur offre de services. Certains centres ruraux sont toujours dotés en commerces de proximité mais ces derniers souffrent de la concurrence des zones commerciales locales, voire celles de la métropole régionale la plus proche.
Mais le véritable déclin concerne les services publics, révélé là encore, avec fracas, par la crise des gilets jaunes, ainsi que celui de l’offre culturelle et récréative, qui demeure nettement moins importante qu’en ville. Certains services publics (hospitaliers et para-hospitaliers notamment) nécessitent des infrastructures dédiées, et à ce titre des politiques publiques volontaristes pour engager des investissements. Mais, en ce qui concerne les services médico-sociaux et les services de proximité, le développement des tiers-lieux constitue d’ores et déjà une piste intéressante en intensifiant les usages de certains cœurs de villes et de villages. Ils permettent de continuer de faire vivre les services publics des centres ruraux, de renouveler l’offre de services et produits de proximité mais sont également un levier pour la création d’une offre culturelle (scène, arts créatifs, connaissance…).
Enfin, et ce n’est pas là le moindre des défis, proposé par le fait de « réhabiter les centres ruraux », les tiers-lieux et les indispensables moyens humains qualifiés, pour en assurer l’animation sont également un des maillons essentiels pour faciliter les liens sociaux et organiser ces nouvelles cohabitations, entre habitants ruraux et « nouveaux habitants », dont les prétendus conflits ne doivent pas pour autant être surinterprétés⁴. Lieux de rencontres, d’apprentissage et de services, ils doivent être un vecteur d’échanges entre des personnes, quelles que soient leurs différences (âge, origine, statut social…) pour faire perdurer les communs existants (fêtes, manifestations locales…), et en faire émerger de nouveaux (en phase avec les nécessités de la société contemporaine), fondement indispensable à une vie collective apaisée.
En conclusion, ce panorama rapide rappelle qu’une transformation profonde, déjà initiée, de l’organisation du travail, une volonté renouvelée des pouvoirs publics d’aménager le territoire et la conviction des acteurs locaux (publics ou privés) d’engager d’importants moyens humains destinés à l’organisation de la vie sociale, sont toutes trois indispensables, pour faire d’une hypothèse (et d’un objectif) réaliste le rééquilibrage entre métropoles et territoires ruraux.
¹ Pierre Veltz, Paris, France, Monde, Repenser l’économie par le territoire, L’Aube, 2012.
² Dictionnaire de géographie, Jacques Levy et Michel Lussault, 2003, BELIN.
³ L’auteur d’un article du Populaire du centre, daté du 31 janvier 2020, portant sur l’accident d’un cycliste local, écrit en ces termes « Il en est désormais ainsi : en jouant au foot, au basket ou au rugby, on risque une entorse, une luxation ou une commotion cérébrale. Quand on pratique le cyclisme, on met sa vie en danger. À chaque sortie. ».
⁴ Ruraux et urbains en campagne, pas en guerre, Valentine WATRIN, 28 août 2019, Libération